Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v8.djvu/488

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crête que j’eus dans la ſincérité du premier homme que j’aimai, m’a fait perdre mon honneur, en comptant fur le ſien. J’eus un enfant de lui ; puis il m’abandonna. Cet homme eft connu de vous tous : il eft devenu magiſtrat comme vous. Je devois croire qu’il ſe ſeroit montré dans cette cour aujourd’hui, pour modérer la rigueur de votre ſentence. S’il eût paru, je n’aurois rien dit. Mais comment pourrois-je ne pas accuſer l’injuſtice de mon ſort, qui veut que celui qui m’a séduite & ruinée, après avoir été la cauſe de ma perte, jouiſſe des honneurs & du pouvoir, ſoit aſſis dans les tribunaux où l’on punit mon malheur par les verges & par l’infamie ? Quel étoit le légiſlateur barbare qui, prononçant entre les deux ſexes, favoriſa le plus fort, & sévit ſur le plus foible ; fur ce ſexe malheureux qui, pour une jouiſſance, compte mille dangers & mille infirmités ; ſur ce fexe à qui la nature vend, à un prix capable d’épouvanter les paſſions les plus effrénées, ces mêmes plaiſirs qu’à vous elle vous donne ſi libéralement ?

« Je n’ai point craint, pour ne pas trahir