Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v8.djvu/83

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formée par le choix, le ſort qui donne des chaînes au ſauvage priſonnier, lui donné auſſi de nouveaux parens & d’autres amis. La convention générale & l’uſage ont fait cette loi ſingulière, qui, ſans doute, eſt née de la néceſſité.

Mais quelquefois un captif refuſe cette adoption, & quelquefois il en eſt exclu. Un priſonnier, grand & bien fait, avoit perdu pluſieurs doigts à la guerre. On ne s’en étoit pas d’abord aperçu. Mon ami, lui dit la veuve à laquelle il étoit deſtiné, nous t’avions choiſi pour vivre avec nous, mais dans la ſienniſon où je te vois, incapable de combattre & de nous défendre, que ferois-tu de la vie ? La mort vaut mieux pour toi. Je le crois, répondit le ſauvage. Eh bien ! répliqua la femme, tu ſeras attaché ce ſoir au poteau du bûcher. Pour la propre gloire, & pour l’honneur de notre famille qui t’avoit adopté, ſouviens-toi de ne pas démentir ton courage. Il le promit, & tint parole. Durant trois jours il ſouffrit les plus cruels tourmens, avec une conſtance qui les bravoit, une gaieté qui les défioit. Sa nouvelle famille ne l’abandonna pas ; elle l’encouragea même par des éloges, lui four-