Page:Raynaud - À l’ombre de mes dieux, 1924.djvu/40

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Ne restera-t-il rien de cet élan tenace,
De ce feu violent qui nous dévore au cœur,
De tant de fantaisie et de tout ce qui passe
En nous d’enthousiasme et de sainte ferveur ?

Je m’attache, ô mon âme ! à l’espoir de survivre
Dans ces vers agités de nos propres remous,
Mais si la Mort éteint jusqu’aux pages du Livre
Qu’il sonne encore au monde un vague écho de nous !

Soyons les mots confus que chuchote la brise ;
Le froissement des eaux ; ce qu’écoute en rêvant
Sur la terrasse en fleurs la jeune femme exquise
Que son beau lévrier fidèle va suivant !

Soyons l’étroit scrupule et l’humeur inquiète
De la vierge qui s’ouvre aux choses de l’Amour ;
Soyons ce que médite, en rentrant, le poète
À travers la prairie, au déclin d’un beau jour !

Soyons ce qui fleurit au cercle de la lampe
D’intimité sacrée, et soyons le refrain
Du pays, où le cœur du soldat se retrempe,
Et qui rend, en exil, son village au marin.