Page:Raynaud - À l’ombre de mes dieux, 1924.djvu/46

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Ah ! comme vous berciez ma jeune âme recluse !
Vous me jetiez votre ombre aux murs de l’hôpital ;
En classe, importuné des rumeurs de l’écluse,
Mes yeux d’enfant, déjà possédé de son mal,
Vous réclamaient sans cesse à la vitre diffuse,
Et fuyaient avec vous au long du vert canal.

Vous étiez le plaisir de mes libres dimanches
Quand j’épiais de mon lit d’herbe, émerveillé,
L’éternelle féerie éclose sous les branches.
Tandis que j’écoutais l’oiseau bleu gazouiller,
Cendrillon, au galop de six cavales blanches,
Passait, au loin, dans son carrosse armorié.

Les contes de Perrault se mêlaient dans ma tête
Aux récits merveilleux de Madame d’Aulnoy ;
Un songe magnifique occupait ma retraite
Et quand le crépuscule implacable ou la voix
De ma mère surgie interrompait la fête,
Je sentais comme un grand vide se faire en moi.

Plus tard, à la caserne, où se nouait ma chaîne.
Excédé des fracas du cuivre et du tambour,
Je vous voyais fleurir aux vergers d’alentour