Page:Raynaud - À l’ombre de mes dieux, 1924.djvu/75

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Quand, parmi les parfums qui se levaient des souches,
Ivre, avec des baisers et des chants plein la bouche,
Il jetait sa jeunesse insouciante aux vents ?

Est-ce déjà la faulx de la Mort qu’il voit luire
Et son pas qu’il écoute approcher dans la nuit ?
Dans cette odeur voisine et tenace du buis,
Tandis que la musique au loin mène son bruit,
Est-ce déjà le goût du néant qu’il respire,
Ou si toute pensée a reflué de lui ?

S’il végète et n’a plus que la vie animale
Du bétail qui digère à l’étable repu,
Du bétail accroupi, d’une dent machinale
Broyant l’herbe, à l’abri d’un feuillage touffu,
Dans la prairie en proie à la flamme estivale,
Quand l’air vibre, à midi, d’un ronflement têtu ?

On ne sait, et tandis que sa morne effigie
Par degrés dans la nuit du feuillage amassé
Se rembrume et s’efface et que le jour baissé
De la gamme du rose épuise l’harmonie,
Le pauvre orchestre de village, non lassé,
Poursuit sa ritournelle avec monotonie.

1892.