Page:Raynaud - À l’ombre de mes dieux, 1924.djvu/82

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


N’as-tu jamais senti quand tu te prends à lire
Les poètes fervents qui nous ouvrent les cieux,
Les simples noms d’Hélène et de Laure et d’Elvire
T’éblouir au passage et te brûler les yeux ?

N’as-tu jamais, au bois, quand reverdit la branche,
Dans un arbre enlacé cru sentir battre un cœur ?
Ni quand pour l’aspirer ta lèvre en feu s’y penche
Une bouche vers toi se tendre de la Fleur ?

N’as-tu pas, quelquefois, au seul parfum des roses
Défailli d’un émoi fugitif et, souvent,
Te relevant, la nuit, plein de larmes sans causes,
Aspiré les baisers qui passent dans le vent ? »

— « Touche ma main, dit l’autre, et vois comme elle tremble.
Ta voix mieux que la mienne interprète mon cœur.
Quel miracle est l’Amour si d’en causer ensemble
Suffit pour nous conduire à ce point de langueur ?

Ainsi, tandis qu’au loin palpite un bruit de rames,
Leur parole échangée immobiles les tient,
L’un aux regards d’azur, l’autre à l’œil noir de flammes,
Et de brusques sanglots déchirent l’entretien.