Page:Rebière - Mathématiques et mathématiciens.djvu/189

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couper de conjonctions et lui donner un faux dehors scientifique. Spinosa ne fortifie guère sa philosophie en la disposant par théorèmes et par corollaires, il rend seulement son accès plus difficile. N’imitez pas ces formalistes impitoyables qui distinguent, divisent, subdivisent et arrivent parfois à sacrifier le fond à la forme et à quelle forme ! Ils font comprendre ce vers paradoxal :

Et le raisonnement en bannit la raison.

Vous voilerez cet appareil et vous craindrez de compromettre une bonne cause par une argumentation peut-être exacte mais raide, hérissée, rebutante. Il convient, dans la vie, de varier, de délayer un peu les preuves, de les fleurir discrètement, enfin d’avoir raison avec un certain agrément.

Il est un autre travers du même genre, mais plus spécial. C’est celui d’invoquer le secours de l’Algèbre, de ses signes et de ses équations, là où elle n’a rien à voir. Ne s’est-on pas avisé de traiter algébriquement l’économie politique ? Pour qu’un problème puisse être mis en équation, il faut que ses données soient d’une simplicité, d’une netteté bien rares. Presque toujours les nombreuses équations de condition, alors qu’on pourrait les écrire, embarrasseraient le calcul qui se traînerait péniblement. N’oubliez pas d’ailleurs que le calcul n’est qu’un instrument, il ne facilite pas l’analyse par une vertu propre, il ne dirige pas l’esprit, il doit être dirigé par lui. Cet instrument ne travaille que quelques matières, mais alors que vous pourriez lui soumettre des conceptions peu précises qu’il aiderait à déployer, il ne leur donnerait aucune consistance.