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À sa Mère.


Riohacha, juin 1856.
Mère bien aimée,

Je me suis encore rapproché de toi d’environ cent cinquante kilomètres, et mes vœux ont à traverser une moins grande étendue pour arriver jusqu’à toi. J’ai peur que tu ne t’attristes de me voir continuer ces courses aventureuses, mais il faut me pardonner, car je n’ai cédé en venant ici qu’à l’ambition bien modeste de pouvoir gagner sans trop de peine la nourriture de chaque jour.

À Sainte-Marthe, la vie est extrêmement facile et quelques sous par jour suffisent pour subvenir aux besoins bien simples et bien peu nombreux d’un homme comme moi, mais ce bon marché de la vie rend presque impossible la vente des produits et fait de la paresse la première des voluptés. Un travail aride et la vente de quelques centaines de mangos et de bananes m’aurait à peine rapporté dix sous par jour, et j’aurais été obligé de vivre dans le plus complet isolement sans amis, sans