Page:Reclus - Correspondance, tome 1.djvu/131

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À Élie Reclus.

Mes amis, vous pouvez vous dispenser de me chercher un morceau de pain dans les rigoles de Paris, car je n’ai pas voulu partir ignominieusement tant qu’il me reste encore l’espoir de vous trouver un nid. Quand je n’aurai plus le sou, il sera temps de penser au retour. En attendant, je m’embusque dans tous les coins pour violer la destinée si elle a le malheur de passer près de moi. Seulement, je me suis hâte de quitter Sainte-Marthe, qui sommeille dans sa plaine enchantée comme la Belle au bois dormant, et de venir à Riohacha, où du moins l’on commence à s’étirer les bras. De plus, pour qu’on ne puisse pas dire de moi que je fais le dégoûté et attendre les événements, je me suis remis à courir le cachet et a enseigner des participes français dans les oreilles crasseuses des paroissiens de Riohacha. Je suis persuadé qu’on ne se trouve jamais bien d’expérimenter le circulus de Pierre Leroux sur son individu, et cependant je l’ai fait pour voir si je ne gagnerais pas quelque argent à force de saleté. Le premier jour déjà, j’avais trouvé une quinzaine d’élèves qui s’engageaient à me faire une somme fort ronde en échange de mon français, de mon anglo-saxon et de mon germain. Mais le lendemain, alors que ma niaise personne venait de se mettre une cravate propre, de balayer sa chambre et d’épousseter