Page:Reclus - Correspondance, tome 1.djvu/135

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


À sa Mère.


Riohacha, 30 août 1856.
Très chère mère,

Il y a plus de six mois que je n’ai reçu de nouvelles d’Europe et que j’ignore complètement ce qui arrive à ceux dont l’existence me fait aimer la vie. Je suis affligé et presque effrayé de ce long silence que rien ne m’assure devoir se rompre de sitôt. Il me semble presque que je suis mort, depuis que rien, pas même un écho, si ce n’est celui qui retentit au fond de mon cœur, ne me rappelle votre existence ; car l’absence, lorsqu’une douce parole d’amour ne vient jamais en adoucir la peine, qu’est-elle, sinon une mort anticipée ? Écris-moi donc, bonne mère, et fais-moi parvenir l’adresse de Loïs[1] et d’Élie. Je suis assez triste dans un pays ou pourtant je pourrais être fort heureux, tu peux me rendre la joie et l’amour courageux du travail en m’écrivant une lettre rassurante.

Je dois partir après demain pour la Sierra Nevada

  1. Loïs, l’ainée de ses sœurs, au nombre de six.