Page:Reclus - Correspondance, tome 1.djvu/178

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ils ont l’avantage de ne pas trop occuper l’intelligence et à lui laisser du temps pour la réflexion et l’étude. Mon frère est bien certainement un homme de tête, et, cependant, les chiffres ne l’ont pas stupéfié. Il est vrai, le métier d’employé ne serait encore pour moi qu’un pis aller ; mais j’accepterais ce pis aller avec joie parce qu’il me permettra de rester avec mon frère, de me retrouver dans une atmosphère d’art, de science, de vie, qui m’a fait défaut pendant de si longues années. Du reste, ce n’est pas moi qu’il appartient de faire fi d’un gagne-pain quelconque, moi qui ai été porteur, portefaix, menuisier, marchand de morue, moi qui ai brigué d’un cordonnier l’honneur de devenir un de ses commis. Pourvu que je travaille et que mon travail soit utile, que m’importe !

Mais supposons qu’avec la meilleure volonté du monde, je ne réussisse pas à me gagner un pauvre sou dans ce grand Paris, je tâcherai de me retourner vers une autre ville où ma séparation d’Élie ne sera que temporaire.

Je serais parti presque immédiatement pour Orthez, si je n’avais cru que mon père reviendrait d’Angleterre au moins pour la fin du mois d’août ; nous attendons une de ses lettres ; s’il doit revenir immédiatement, j’aurai le bonheur de l’accompagner, mais, si sa lettre nous annonce la prolongation de son séjour en Angleterre, je partirai le jour même.

Je t’embrasse, chère mère, ainsi que mes sœurs et frères.

Encore une fois, reçois mon affection de fils.
Élisée.