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À sa Mère.


Sans date, 1860.
Chère mère.

Comme tu le sais sans doute, il y a environ une quinzaine de jours que je suis en voyage avec Ernest Ardouin à travers glaciers, forêts, monts et vaux. Jusqu’ici le voyage s’est fait d’une manière très heureuse, si ce n’est que nous avons été écorchés çà et là dans de mauvaises auberges ; nous ne sommes pas trop fatigués ; nous portons le havre-sac sans murmurer et, le soir, quand nous arrivons dans quelque village de Savoie, de France ou de Piémont, nous faisons amplement honneur au macaroni, aux salades et aux pêches, et nous dormons d’un excellent sommeil. Quelquefois, quand mon compagnon est un peu fatigué, nous nous donnons rendez-vous dans quelque village où il se rend en voiture tandis que je m’y rends en passant à pied un col ou un sommet : c’est ainsi que j’ai fait seul l’ascension de Roche-Melon et du Mont-Chaberton ; mais nous avons gravi ensemble le mont Thabor et les glaciers