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À Mme Élie Reclus


Sans date. Saint-Tropez, samedi matin. 1862.
Ma chère Noémi,

Nous sommes dans un village des plus immondes de la France et en face de l’un des paysages les plus splendides des bords de la Méditerranée. Les rues à peine assez larges pour laisser passer deux hommes de front sont remplies par des détritus de fucus et de poissons ; des passages qui servent aussi d’égoûts s’enfoncent sous de sombres arcades et quand on y pénètre on se demande avec effroi si l’on reverra la lumière. Mais la nature, qu’elle est belle en revanche ! Des rochers, des montagnes lointaines disposées sur plusieurs plans d’un azur de plus en plus vaporeux, un golfe uni comme un lac, des bateaux pêcheurs, des ping parasol qui se penchent au-dessus de l’eau, des ruines qui se dressent sur les escarpements, toutes ces choses composent un délicieux paysage. Il ne manque qu’un peu de fumée dans un coin du tableau pour que nous pensions être sur les bords du golfe de Naples. Et partout sur ces bords enchantés nous retrouvons le même spectacle.