Page:Reclus - Correspondance, tome 1.djvu/85

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exercice gymnastique ; ainsi, chère mère, tu n’as absolument qu’à te féliciter de ce que j’ai été malade puisque la fièvre jaune ne revient jamais à la charge et que maintenant je puis aller à la Nouvelle-Orléans, à Vera-Cruz, de Vera-Cruz à Rio, et rester dans les foyers d’infection morbide sans courir le moindre danger.

Je croyais bien devoir échapper à l’épidémie, car, avant l’année dernière, jamais la fièvre jaune n’avait fait son apparition dans les campagnes, et tout le monde pensait que cette année se conformerait à la règle, mais il en a été autrement. Cependant la fièvre a sauté par dessus des paroisses entières sans y faire une seule victime, tandis qu’elle s’abattait sur quelques plantations isolées et y causait des malheurs. Je suis le dernier qui ait été malade et, deux ou trois jours après ma convalescence, nous avons eu la première gelée blanche qui détruit d’une manière irrévocable tous les miasmes fièvreux. Inutile de te dire que j’ai été soigné avec autant d’affection que possible. Le médecin, qui, du reste, est le meilleur ami que j’aie en Louisiane, a passé trois nuits dans une chambre à côté de la mienne et M. Fortier m’inventait des besoins pour avoir le plaisir de les satisfaire.

Je me trouve parfaitement égoïste de parler aussi longtemps d’une fièvre qui m’a fait à peine souffrir ; aussi n’est-ce qu’à toi que je me permets de donner ces détails, parce que si j’étais à Orthez, je sais que tu les réclamerais de moi. Mais, je te prie, encore une fois, ne te figure pas que j’aie souffert le moins du monde ; je n’ai jamais douté un seul instant de ma guérison. Du reste, la maladie est rarement dangereuse pour les Français ; dans l’épidémie de l’année dernière qui, pour les Irlandais et les Allemands rappelle les fameuses