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GÉOGRAPHIE.

nouveau vers l’aval pour remonter ensuite vers les cimes ! Si, dans l’immensité de l’espace, un soleil n’est pas même un grain de sable, dans l’immensité du temps deux périodes, si longues soient-elles, l’une travaillant à l’encontre de l’autre, sont à peine un fugitif instant, bien qu’elles dépassent mille fois notre néant passager. Les glaciers qui grandissent ou diminuent, les roches qui se soulèvent ou s’abaissent, les continents qui naissent ou meurent, la mer qui s’avance ou recule, ce qui se cimente ou se disloque, les cycles terrestres ou cosmiques, tout cela, c’est ce qu’on nommerait les jeux de la nature, s’il pouvait entrer quelque idée de caprice dans un travail infini de durée, infini d’espace, éternellement réglé par des lois augustes.

Inférieures aux Alpes en grandeur, mais non pas en grâce, en lumière, en beauté, les Pyrénées, pauvres en lacs (elles n’ont, au vrai, que de profonds laguets), envoient de faibles torrents à leurs cascades, et au plat pays des fleuves que seuls le Gascon et le grandiloquent Espagnol osent comparer au Tessin, à l’Inn, au Rhin, au Rhône, au Pô ; enfin, plus que les Alpes, elles mènent le deuil de leurs forêts. Sans doute elles n’ont pas de régions aussi nues que les Basses-Alpes : il leur reste, en profonds massifs, des hêtres, des sapins et des pins ; mais, en moyenne, elles ont moins de bois que les Alpes, même que les Alpes françaises.

En trois choses elles valent bien les Alpes : l’élévation des cols[1], la noblesse du profil, la hauteur apparente.

Les Pyrénées françaises, émergeant brusquement des plaines, sont, regardées d’en bas, très grandioses. Plusieurs monts, qui semblent les rois de la chaîne et qui ne le sont point, trônent orgueilleusement, en avant de leurs frères, sur les vallées, les plaines, les bas plateaux, et sauf la neige on les croirait égaux aux colosses des Alpes :

  1. Le col de la Maladetta, en Espagne, est à 3 202 mètres.