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FRANCE.


I. DE LA BELGIQUE AU HAVRE


1o Les trois mers françaises. — La France reçoit les coups de bélier de trois mers, une grande, une moyenne, une petite.

La grande mer, c’est, de la pointe de la Bretagne à Hendaye, l’Océan Atlantique : sans la courbure de la Terre, avec un regard capable de percer mille lieues et plus, l’homme d’Hendaye verrait à l’ouest, en face de sa dune, le rivage du Maine dans les États-Unis ; l’homme de la fin des terres de Bretagne verrait le littoral de la Gaspésie, dans le Canada, qui est une autre France.

La mer moyenne, d’Espagne en Italie, c’est la Méditerranée, le lac au milieu des terres, comme son nom latin le dit : les Français de cette côte ont vis-à-vis d’eux, au sud, la rive algérienne, qui est aussi une autre France.

La petite mer, c’est la mer du Nord, qui ne regarde qu’un vide ouvert sur le Pôle, entre Albion et la Scandinavie. Par deux détroits, le Pas de Calais et la Manche, cette moindre de nos mers communique avec la plus grande.

Eaux turbulentes, bruyantes, colériques, nos mers bordent chez nous un rivage où le péril est partout, sur des bancs, des sables, des alluvions, des galets, des écueils. Notre littoral est hominivore, aux falaises normandes comme aux granits bretons, aux « côtes de fer » des îles de l’Atlantique ainsi qu’aux dunes de Gironde et d’Adour. Où les ports sont vastes, profonds, abrités, dans la Bretagne déchirée, on n’y pénètre que par un chemin dangereux, à travers les épaves du continent, roches, récifs, traînées, chaussées, plateaux sous-marins qui boursouflent l’Océan, le dispersent en écume, le tordent en remous, le divisent