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FRANCE.

dis que l’Alsace-Lorraine ne s’est point fiancée à l’Allemagne : elle a été ravie, et il semble qu’elle a toujours pour le ravisseur un nauséeux dégoût.

Le Mont-Blanc, géant de la Savoie, géant de la France, géant de l’Europe, car le Caucase est asiatique, a chez nous sa pointe suprême, haute de 4 810 mètres ; mais trois nations, la France, l’Italie, la Suisse, ont part à la sérénité de ses neiges ; toutefois ses montagnards, quelle que soit leur vallée, au sud comme au nord, à l’est comme à l’ouest, n’ont d’autre idiome que le nôtre.

Du Mont-Blanc au massif où surgit le Var, la frontière, entre la France et l’ancien Piémont devenu royaume d’Italie, est irréprochable comme obstacle, puisqu’elle se compose de pics hautains séparant deux natures, deux climats, deux bassins, celui du Rhône et celui du Po. Mais ce n’est pas partout une barrière morale, car diverses vallées italiennes par leur versant ont conservé jusqu’à ce jour l’usage du parler français : tel est le val de la Cenise, où passe le chemin de fer de Paris à Turin, à sa sortie du tunnel qui est encore le plus long des Alpes et du monde. Au delà des sources de la Tinée, affluent du Var, les limites se brouillent ; elles ne suivent plus fidèlement la grande chaîne internationale : tracées à l’avantage de l’Italie, elles ne daignent pas profiter d’une chaîne de 3 000 mètres de hauteur, et laissent au Piémont les têtes de plusieurs torrents. Nous ne possédons ni les sources de la Vésubie, affluent du Var, ni celles de la Roya, tributaire de la Méditerranée ; et de ce dernier fleuve nous ne tenons pas non plus l’embouchure, qui appartient à l’Italie.

C’est entre la française Menton et l’italienne Vintimille que la frontière atteint la Méditerranée, vis-à-vis de Bône, ville franco-africaine ; c’est près de Port-Vendres, vis-à-vis d’Alger, que la plus bleue des mers nous abandonne pour aller caresser le rivage espagnol : là même, à cap Cerbère, s’élancent du flot les premiers rocs des Pyrénées.