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GÉOGRAPHIE.

sements maritimes installés par Colbert à Rochefort. Des salines immenses, des parcs où vivent (si c’est vivre) les huîtres sans rivales de Marennes, le cabotage d’une dizaine de ports vaseux situés sur la Seudre même et sur quelques chenaux navigables, donnent un peu de mouvement aux rives plates et singulièrement monotones de ce faux fleuve, dont l’estuaire s’ouvre sur le pertuis de Maumusson.

Le pertuis de Maumusson est un détroit sans profondeur, sans largeur, violent, dangereux, et si bruyant quand l’Océan s’insurge, qu’on l’entend quelquefois de 45 lieues en pleine Saintonge : « Monmusson grougne. » dit alors le paysan. À l’est il bat de ses eaux la presqu’île d’Arvert, à l’ouest il heurte l’île d’Oleron. La presqu’île d’Arvert, entre la Seudre et l’Atlantique, fait front sur la mer par des sables qu’ont cloués des forêts de pins. Il y a là 9 000 hectares de dunes, prolongement de celles des Landes par delà l’estuaire de la Gironde, comme les dunes d’Oleron continuent les sables d’Arvert au delà du pertuis de Maumusson.

Hautes sont ces dunes d’Arvert : l’une d’elles, à l’ouest de la Tremblade et non loin de la mer, a 62 mètres, soit 27 de moins que celle de Lescours, la première en France, entre l’étang de Cazau et l’Océan. Avant qu’on les arrêtât, elles marchaient vite ; d’éparpillement en éparpillement, sous l’aile des vents marins, elles avaient enseveli Buze, village qui serait la Pompéi d’Arvert si l’on démolissait le puech[1] de la Briguette ; et sous le nom d’Anchoisne, la ville de la Tremblade avait longtemps fui devant elles. C’était un dicton de la Saintonge que « les monts marchent en Arvert ». Tandis qu’elles se déroulaient inexorablement sur ce coin de la terre de France, celle-ci continuait à s’accroître aux dépens de l’Atlantique, et de plus en plus s’agrandissaient

  1. Le mot puech, colline, — c’est le puy des dialectes méridionaux, — désigne ici les dunes.