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GÉOGRAPHIE.

La Gironde, large estuaire, transmet à l’Atlantique les rivières d’un bassin de 9 millions d’hectares peuplé de 4 500 000 hommes. Sauf au bord de la mer, nulle part en France le soleil du Sud-Ouest ne luit sur d’aussi vastes eaux ; mais tandis qu’il émeut jusqu’au fond tout le cristal des ruisseaux clairs, il n’éclaire ici que la surface des eaux, car la Gironde est impure. Elle n’a ni la beauté verte, ni la beauté bleue. Le vent de mer, le vent de terre, le vent du Médoc et des Landes ou celui de Saintonge n’y impatientent que des vagues boueuses, et ces vagues ne frappent ni monts, ni caps vêtus de forêts : elles meurent sur la vase, contre des rives plates, des polders, des falaises basses ou des collines sans noblesse, sauf pourtant chez les Saintongeais, en approchant de l’Océan, à Talmont, à Meschers, à la pointe de Suzac : là les roches sont droites, hautes, régulières, blanchâtres, comme il convient à des parois de craie. Ces falaises, le flot les ébranle, et celles qu’on ne protège pas contre lui tomberont, comme tant d’autres se sont écroulées déjà sur cette rive qu’ici la mer diminue tandis que s’accroît la rive opposée. Sur la côte médocaine, des alluvions se déposent, des marécages se forment dont on tire des polders dominés par le mamelon de Jau, lequel, en pleine terre aujourd’hui, baignait il y a deux siècles dans l’estuaire. D’ailleurs toute la muraille crayeuse de la Gironde saintongeaise n’est pas minée par la vague : de Blaye à Port-Maubert il s’est assis tant de vase au pied de l’antique falaise que celle-ci est maintenant séparée du fleuve par de larges marais, plus ou moins bien, plus ou moins mal desséchés.

La Gironde amène en moyenne à l’Océan 1 178 mètres cubes par seconde, tribut d’une contrée où la chute annuelle des pluies est de 823 millimètres. C’est 35 fois l’étiage de la Seine à Paris et les deux tiers ou les trois quarts de ses crues extrêmes ; et cependant ces 1 178 mètres cubes d’eau douce par seconde sont absolument noyés dans le flot de mer qui, deux fois par jour, monte et descend l’estuaire. La Gironde engorge à chaque flux