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GÉOGRAPHIE.

mètres de l’antre de Fontestorbe, ombragé par cinq platanes. Cette caverne, voisine du bourg de Bélesta, s’ouvre au pied d’un roc à pic où s’accrochent des pousses d’ormeau, des touffes de buis, des herbes et des ronces. Clair-obscure à l’entrée, elle serait noire au fond sans un beau puits de lumière qui vient de haut, du sommet de la roche à travers la roche entière. Au delà de cette déchirure de la voûte, on pénètre dans un couloir, puis, à la lueur des bougies, on se trouve en face d’une onde immobile et noire, qu’on ne saurait franchir : une barque n’y glisserait pas, si mince fût-elle, un homme n’y pourrait étendre les bras pour nager. En avant du couloir, d’un roc à la fois éclairé par la bouche de la grotte et le puits de lumière, on admire comment la source naît et meurt. Rien n’annonce qu’elle va jaillir, ni souffle d’air, ni secousse, ni rumeurs souterraines. L’instant venu, d’entre les cailloux il monte un peu d’eau ; et lentement, sans efforts, sans saccades, sans fracas, presque sans murmures, l’eau monte, en même temps qu’au delà du puits de lumière, dans les ténèbres, monte aussi l’onde auparavant immobile qui est le réservoir de la fontaine. Bientôt cette onde sort en torrent de son noir couloir, elle se mêle aux flots nés entre les pierres de l’antre, et dès lors Fontestorbe est une rivière d’une eau divinement pure, telle qu’elle doit couler d’une coupe de pierre sans roseaux, sans joncs, sans herbes, sans limons et sans nénuphars. Quand la grotte est pleine, jusqu’aux pieds du visiteur debout sur la roche, Fontestorbe descend à l’Hers par deux chemins : par le canal d’une scierie et par un bruyant rapide, une cascade plutôt, qui tombe, large de 10 à 15 mètres, d’un barrage de pierres moussues. Après avoir monté pendant 36 minutes 36 secondes, l’eau baisse, et de rivière devient ruisseau, puis ruisselet, et disparaît enfin pour reparaître après une absence de 32 minutes 30 secondes. Cette merveilleuse intermittence ne dure point toute l’année ; il y a des semaines, des mois où, par la vertu des fortes pluies,