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GÉOGRAPHIE.

ture a versé la corne d’abondance ; un gai soleil mêlé de pluies tièdes sourit à cette terre des vins et des fruits ; une race exubérante, aimable, spirituelle, heureuse de vivre, féconde en orateurs et en hommes de guerre, habile ses riantes collines.

Le Sud, le Sud-Est, Alpes, Pyrénées orientales, Cévennes, est une France à part, un pays extrême, aux contrastes éclatants : à demi polaire sur ses monts, aux trois quarts africain dans ses vallées et dans ses plaines, hormis les jours où tombe du ciel la douche glacée du mistral. Terre des vins forts, de l’huile, du mûrier, des oranges, ses Catalans, ses Languedociens, ses Provençaux sont les plus mobiles et les plus violents des Français. Vignerons, ils luttent presque sans espoir contre le phylloxéra ; marins, ils sont les Bretons de la Méditerranée ; hommes du patois, ils francisent l’Afrique, et leurs patois meurent.

Dans l’Est, presque tout entier fait de montagnes, Alpes et Jura, vivent les Dauphinois, les Savoisiens, les Comtois, les Bourguignons, races dures, patriotes, intelligentes, fécondes, qui sont avec les Lorrains l’avant-garde de la France contre l’Europe. Cet Orient de la France est industriel, agricole et pasteur.

Le Centre, notre acropole, l’urne de cent rivières, le champ de nos plus vastes neiges (cependant il n’a point de glace éternelle}, est comme suspendu sur le Sud et l’Est, qu’il domine par des pans courts et rapides ; il s’incline plus doucement vers l’Ouest, le Nord-Ouest et le Nord. Il a plus de prairies que de sillons, peu de commerce, peu d’industrie. Ses monticoles sont un peuple osseux, vigoureux, entêté, parcimonieux, endurant, fécond. Hommes des hauteurs, ils renouvellent perpétuellement la France des plaines ; ruraux sans lettres, ils assiègent, ils pressent, ils pénètrent, ils remplacent les urbains fiers de leurs écoles, de leurs boutiques, de leur luxe et de leur politesse.

Nés de mélanges infinis, dix fois plus croisés qu’ils ne