Page:Reclus - France, Algérie et colonies, 1886.djvu/417

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
414
GÉOGRAPHIE.

savent les grands idiomes littéraires, tous, après avoir trop admiré le riche allemand, l’anglais énergique et bref, le castillan grandiloquentissime et sonorissime, le musical italien, ou, comme on dit, le toscan dans la bouche romaine, tous ou presque tous rentrent pieusement dans la révérence de leur beau langage maternel. Et si nous entendions parler le latin comme le prononçait Rome, le grec tel que le prononçait Athènes, peut-être réprouverions-nous l’un et l’autre : celui-ci nous semblerait tantôt mou, tantôt guttural, tantôt dental et sifflant ; celui-là nous paraîtrait dur, et à tous les deux nous reprocherions la ritournelle que les langues rhythmées ne peuvent éviter.


2° Universalité du français. Pays dont il est la langue nationale. — Le français jouit encore de la prépondérance que lui firent, il y a deux cents ans, la splendeur de la cour du Grand Roi, il y a cent ans l’esprit de ses écrivains ; mais cette royauté touche visiblement à sa fin : l’anglais passe au premier rang, et derrière l’anglais s’avancent le russe, l’espagnol, et même le portugais grâce au Brésil. Pour le moment le français règne encore comme lien de la société, langue du plaisir, du théâtre, de la politique. C’est l’instrument de la diplomatie depuis le traité de Nimègue, ce qui lui donne déjà plus de deux cents ans d’empire. Tous les gens dits hommes du monde le parlent, surtout en Allemagne, et plus encore dans l’immense Russie, aussi loin qu’elle va, jusqu’à ses ports du Pacifique. Les Italiens, les Portugais, les Roumains, les Néo-Latins d’Amérique l’apprennent facilement, sauf l’accent : n’est-ce pas le fils du latin, père de leurs propres langages ?

Hors de France, non compris les millions d’hommes pour lesquels c’est la langue essentiellement distinguée, et comme la seconde langue maternelle, hors de France, son empire direct, diminué par la perte de nos vieilles colonies, s’agrandit peu de nos jours : la faute en est à la