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FRANCE.

insolente, a des vertus que n’ont plus nos parlers émoussés. Mais pourquoi le Béarnais, l’Aragonais, le Castillan apprendraient-ils cette langue sans passé (quelque vieille qu’elle soit) puisqu’elle n’a pas de littérature, sans présent puisque les Basques savent le français ou l’espagnol, sans avenir puisque les jours qui viennent verront croître partout les grands et diminuer les petits ? Les Escualdunacs, petit peuple, le basque, petite langue, sont voués à la mort. Cette nation vivra dans ses descendants, mais sous un autre nom, comme Français, Espagnols, Argentins ; son langage tombera dans le néant, car c’est être profondément oublié que de servir d’argument à quelque grammairien, de thèse à quelque savant, et c’est périr deux fois que périr sans chefs-d’œuvre.

Ainsi les Basques français apprennent de plus en plus la grande langue de la patrie. Ils vont disparaître ; et déjà leurs frères d’Espagne, cinq à six fois plus nombreux qu’eux, ont perdu plusieurs vallées. Ces Escualdunacs-là s’en vont beaucoup plus vite que les nôtres : il y a deux ou trois cents ans, on parlait encore le basque à Pampelune, ville où cette langue est aujourd’hui tout à fait ignorée ; on l’a également oubliée à Vitoria et dans presque toute la province d’Alava, ainsi qu’à Estella, à Tafalla et à Tudela en Navarre.

Corses, Catalans. — Les 260 000 Corses parlent italien en divers dialectes ; le français n’a fait de progrès que dans les villes, notamment à Bastia, l’ancienne capitale, moins éloignée de la France que la nouvelle, Ajaccio.

Le catalan a cours dans les Pyrénées-Orientales et dans un coin de l’Aude ; mais cette langue n’est pas, comme on le croit trop, un dialecte de l’espagnol. C’est bel et bien un tronçon de la langue d’oc, semblable à nos patois du Midi. Si le destin de la France avait été d’absorber toute la terre d’oc par opposition à la terre d’oil, nous aurions des préfets jusque vers Alicante, le catalan régnant encore plus ou moins en Espagne sur les cinq pro-