Page:Reclus - France, Algérie et colonies, 1886.djvu/53

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
50
GÉOGRAPHIE.

de la belle et claire Dourbie. Le Larzac s’achève sur la Vis, la Dourbie, le Tarn, la Sorgues, l’Ergue, par des falaises grandioses ; il va de Lodève à Millau sur deux territoires : l’Hérault et l’Aveyron. Ses gazons secs entretiennent des moutons à laine frisée, race qu’on appelle brebis du Larzac, bien qu’elle paisse également sur les autres déserts calcaires de ce coin du monde. Son vrai nom serait brebis du causse. Ces bêtes-là, qui sont par centaines de mille, boivent peu ou point et ne s’en trouvent pas mal, ayant fini par s’adapter à l’Arabie Pétrée qu’elles broutent ; elles donnent leur lait aux fameuses fromageries de Roquefort.

Là où s’unissent le Gard, l’Aveyron, la Lozère, aux sources de l’Hérault, de l’Arre, de la Dourbie, de la Jonte, du Tarnon, — ce sont là cinq torrents translucides, — les monts du Vigan, granits, schistes, gneiss cultivés en terrasses, sont gais, ruisselants, diaprés de verdure, parés de hêtres, de châtaigniers, riches en mûriers. Ils ont pour tête l’Hort-Dieu (1 567 mètres), dôme suprême de l’Aigoual. Le mot Hort-Dieu, de patois languedocien, veut dire Jardin de Dieu, Jardin céleste.

L’Aigoual a de sombres forêts, il contemple des plateaux sévères. Il y a deux cents ans, des ours le hantaient ; il n’a plus aujourd’hui que des loups. Sur l’une de ses hautes plaines, un petit torrent heurte un chaînon calcaire, près de Saint-Sauveur-des-Pourcils ; au lieu de contourner le bloc, il le perce et pénètre sous des voûtes obscures, où, comme le dit son nom patois de Brame-Biau, il mugit ainsi qu’un taureau sur les rochers tombés des parois et des arceaux de la caverne. Près de là, le Trevezet entre aussi sous la pierre et l’on ne sait pas où il revoit le jour.

Un autre plateau bien plus grand que celui de Saint-Sauveur-des-Pourcils est également dominé de loin par l’Hort-Dieu : c’est le fameux Causse Méjean, haut de 900 à près de 1 300 mètres. Plus élevé, plus froid et plus aride encore que le causse de Sauveterre, dont le sépare l’ef-