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ALGÉRIE.

1 500 pieds de haut[1], sur les gouffres où l’eau folle s’endort un moment dans des vasques profondes, les chevelures de lianes, les touffes de buissons, les figuiers, de grands arbres, se penchent sur la somnolence ou sur le fracas des flots. D’immenses rocs rougeâtres, droits comme des murs, regardent ce site idéalement beau.

Tlemcen reçoit d’El-Ourit, par un canal, une partie des eaux qui font sa beauté : même elle demande à détourner tout le Méfrouche au-dessus de la cascade. Cette ville assise à 816 mètres sur un plateau, dans une forêt d’oliviers, est la Bab-el-Gharb des Arabes, c’est-à-dire la Porte du Couchant ; et de fait, elle surveille de près le Maroc. Dans son enceinte même et dans sa banlieue, à Sidi-bou-Médine et à Mansoura, s’élèvent, les uns branlants, les autres solides, quelques-uns des monuments les plus beaux de l’Islam africain. C’est que cette cité régna sur le turbulent empire fondé par le Berbère Yarmoracen, et qu’un sultan du Maroc, après quatre ans de siège, bâtit vis-à-vis d’elle, et près d’elle, et contre elle, une ville forte d’où il l’attaqua plus de quatre ans encore : cette seconde Tlemcen est Mansoura, dont l’enceinte, vieille de bientôt cinq siècles et demi, jette son ombre sur un village français.


À l’embouchure de la Tafna succède Béni-Saf, port d’une mine de fer colossalement riche, comme le sont tant d’autres en Algérie ; puis vient l’anse de Camérata, site de ruines romaines ; puis la bouche du Rio Salado (70 kilomètres), ruisseau venu des monts des Ouled-Zeïr à travers les champs fertiles d’Aïn-Temouchent ; puis le cap Figalo, promontoire accore suivi du cap Sigale, qui regarde, à la distance de 11 kilomètres, l’égrènement d’écueils des îles Habibas.

Du cap Lindlès au cap Falcon s’ouvre un golfe évasé, vis-à-vis de l’île Plane, roc habité par des éperviers ; ce

  1. D’après le consul Playfair.