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ALGÉRIE.

le néant de la grammaire, c’est un parler « nègre » que ce patois fait de mots arabes, italiens, catalans, espagnols, français : ceux-ci de plus en plus nombreux à mesure que s’étend la langue de Frañce. Andar (aller), vinir (venir), ténir (avoir), mirar (voir, regarder), trabadjar (travailler), tchapar (voler), toucar (toucher, prendre), bono (bon, bien, utile), carouti (trompeur, carottier), meskine (pauvre), maboul (fou), mercanti (bourgeois), chêndat (soldat), casa (maison), carrossa (voiture), cabessa (tête), matrac (bâton), babor (bateau à vapeur), birou (bureau), carta (lettre, écrit, papier), douro (argent), sordi (sou), mouquère (femme), moutchatcho (enfant), yaouled[1] (garçon, jeune homme), macache (non), bezzef (beaucoup), bibri (à peu près), bititre (peut-être), balek (prends garde !), kif kif (comme), sami-sami (ensemble), didou[2] (eh ! ohé ! un tel), et surtout fantasia, le mot universel qui s’applique au plaisir, à la passion, à tous les mouvements expansifs de l’âme, à tout ce qui est agréable, bon, supérieur, étrange…… ces termes et une vingtaine d’autres reviennent à chaque instant dans les phrases du sabir. En attendant le triomphe du français, ce charabia misérable unit l’indigène au colon ; mais le lien principal entre eux et nous, c’est l’appât des « douros » qu’on gagne chez les chrétiens.



  1. De l’interpellation arabe : Ya, ouled ! Eh ! Garçon !
  2. C’est notre « Dis donc ! »