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GÉOGRAPHIE.

Négres marrons, les Boch ou Bonis, descendent d’esclaves évadés autrefois de la Guyane hollandaise,

Hors de l’armée, de la marine, des fonctionnaires, des forçats, il n’y a pas ici 2 000 Blancs, misérable reste du peuple de colons que leur mauvaise étoile amena sur ce rivage. Quand nous eûmes perdu le Canada, Nouvelle-France du Nord, on espéra fonder la Nouvelle-France du Sud en Guyane. En 1763 et 1764, on entassa quinze mille hommes à la bouche du Kourou, vis-à-vis des îles du Salut : Alsaciens, Lorrains, Allemands, avec quelques Normands, Bretons et Provençaux. On les abrita mal, on ne sut ni les nourrir, ni les employer, ni les guérir ; treize mille moururent et presque tous les autres rentrèrent en Europe. De ce grand effort, qu’on eût mieux fait de porter sur la Louisiane, plus capable que la Guyane de devenir un empire, la pauvre colonie de l’Équinoxe ne retira que le renom de terre boueuse, fiévreuse, inhospitalière et mortelle.

Il y a quelques années la France eut honte de son impuissance en Guyane : on peut rougir de cultiver à peine 7 000 hectares, au bout de deux siècles et demi de royauté, sur un continent où le Portugal a fondé le Brésil, et l’Espagne cinq ou six grandes nations de l’avenir.

Dans l’espoir de la relever, on en fit une colonie pénitentiaire.

Le 1er janvier 1866, il y avait déjà 7 000 forçats aux îles du Salut et sur le Maroni, fleuve qui sépare noire Guyane de la Guyane hollandaise, et qui, sauf plus de longueur, de largeur et d’abondance, ressemble aux autres cours d’eau de la France Équinoxiale par son passage dans les forêts et les savanes et par ses nombreux « sauts », tantôt rapides et tantôt cascades. C’est un grand fleuve : des deux rivières qui le composent, l’Aoun roule 600 mètres cubes par seconde au milieu de la saison sèche, et le Tapanahoni, 338.

La mort a tellement frappé de sa faux ces galériens-là qu’on n’ose plus transporter à la Guyane que les Arabes