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HISTOIRE D’UNE MONTAGNE.

arbuste, suffisaient à me cacher l’horizon ; pas un chemin qui ne fût bordé des deux côtés par des haies ou des barrières.

En m’éloignant des monts que j’aimais et qui s’enfuyaient loin de moi, je regardais souvent en arrière pour en distinguer les formes amoindries. Les pentes se confondaient peu à peu en une même masse bleuâtre ; les larges entailles des vallées cessaient d’être visibles ; les cimes secondaires se perdaient, le profil des hauts sommets se dessinait seul sur le fond lumineux. À la fin, la brume de poussière et d’impuretés qui s’élève des plaines me cacha les pentes basses des montagnes ; il ne restait plus qu’une sorte de décor porté sur des nuages, et c’est à peine si je pouvais encore retrouver du regard quelques-unes des cimes autrefois gravies. Puis tous les contours disparurent dans les vapeurs ; la plaine sans bornes visibles m’entoura de toutes parts. Désormais, la montagne était loin de moi, et j’étais rentré dans le grand tumulte des humains. Du moins ai-je pu garder dans ma mémoire la douce impression du passé. Je vois de nouveau surgir devant mes yeux le