Page:Reclus - Histoire d’un ruisseau.djvu/235

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sion vers le bout de leur ligne. S’ils attirent avec tant de succès le pauvre poisson hors de son nid d’herbes, c’est qu’ils connaissent tous les besoins, tous les appétits, toutes les ruses des bestioles et jusqu’à leurs tics particuliers ; à première vue, ils savent quel est le caractère de l’animal. En outre, ils ont appris par une longue expérience à combiner tous leurs mouvements ; le regard, le bras, la main, la ligne, intelligente elle aussi, agissent de concert.

Bien rares toutefois sont ces pêcheurs de génie, et l’adepte les reconnaît à je ne sais quel rayon émanant de leur être. En 1815, lorsque pour la deuxième fois, Paris, épuisé par quinze années de servitude militaire, entendait les canons prussiens rouler dans ses rues, deux hommes, insouciants de la cause publique, étaient tranquillement assis au bord de la Seine, la ligne à la main. Ils ne s’étaient jamais vus précédemment, mais chacun d’eux avait entendu célébrer la gloire