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l’homme et la terre. — barbares

océaniques, elle ne les unit que par l’intermédiaire de deux bassins maritimes presque fermés, la mer Noire et la Baltique.

La voie transeuropéenne qui commence à l’extrémité septentrionale du golfe Adriatique, formée par les routes convergentes de deux rives, l’une venant des bouches de l’Éridan ou Pô, l’autre du Timaro, embouchure présumée d’un Ister ou Danube souterrain, fut aussi l’un des chemins fréquentés : des brèches, des seuils relativement faciles y guidaient les peuples à travers les remparts multiples des Alpes. Après avoir gagné le Danube en contournant les hautes vallées de la Save et de la Drave, cette route de caravanes devait passer non loin de la Vienne actuelle pour entrer dans les plaines du nord par la dépression à double versant où coulent d’un côté la Morava, affluent du Danube, de l’autre côté la haute Oder. Les marchands qui suivaient cette voie apportaient aux Germains, aux Lithuaniens, aux Scandinaves les objets fabriqués par les Asiates ou par les Étrusques et, en échange, livraient au commerce méditerranéen l’ambre précieuse recueillie sur les plages de la Baltique. Pendant longtemps les Grecs crurent que cette résine transparente provenait des plaines basses de l’Éridan, les chefs des caravanes gardant soigneusement le secret de leurs voyages[1]. C’est vraisemblablement le long de cette route et de ses branchements occidentaux que servait la monnaie d’or en disques légèrement bombés dont on a retrouvé tant d’exemplaires dans les bassins du Rhin, de l’Elbe et du Danube, en Gaule, en Hongrie et jusqu’en Lombardie. Ces pièces, généralement muettes, que les archéologues allemands désignent par le nom de Regenbogen Schüsselchen, « petits plats à l’arc-en-ciel », sont attribuées au Boii et aux Helvètes, et leur fabrication est antérieure à l’invasion des Cimbres en Italie[2].

Au point de vue purement géographique, ces deux voies orientales de l’Europe, qui coupent le continent du sud au nord, unissant l’une la mer Noire et l’autre le golfe Adriatique à la mer intérieure de Scandinavie, sont évidemment très inférieures à la route maîtresse qui traverse les Gaules, des bouches du Rhône à l’estuaire de la Seine, et qui joint ainsi par la voie la plus courte les rivages de la Méditerranée et ceux du libre Océan. La plupart des passages alpins pratiqués par les conquérants et les marchands de l’Italie n’étaient, par la Durance,

  1. Fr. Lenormant, Les premières Civilisations.
  2. Ch. Robert et Al. Bertrand, Ac. des Inscriptions, janvier 1884.