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divinités scandinaves

tait l’influence chrétienne. En réalité, il y avait analogie complète entre les personnages symboliques des races en lutte. C’était le vieillard Scandinave, Odin ou Wotan, au manteau gris comme le brouillard des mers, avec ses deux corbeaux noirs croassant des prophéties sur ses épaules, et Dieu le Père, également fleuri d’années, la tête entourée d’un nimbe d’or, près duquel vole une colombe. De
Cl. Sellier
nef scandinave.
même le dieu Thor, qui brandit le tonnerre, répond directement à Dieu le fils, le juge souverain qui pèsera dans la balance les actions des vivants et des morts. Dans le conflit des deux religions, les divinités Scandinaves, quoique appartenant à des vainqueurs, durent changer graduellement de physionomie pour ressembler de plus en plus aux dieux chrétiens ; d’ailleurs, les Normands ne savaient-ils pas d’avance, et par le texte même des anciennes prophéties, que leurs dieux devaient mourir un jour ? De nouvelles figures se montraient aux adorateurs : c’étaient les héritiers attendus[1]. Mais comme toujours, la conversion officielle du peuple n’eut qu’une bien lente prise sur l’âme héréditaire. Pillards étaient les Normands païens ; pillards restèrent longtemps leurs descendants convertis. Une saga du douzième siècle raconte comment le roi Sigurdr s’en alla rendre visite à Baudouin, roi de Jérusalem. Longeant les côtes, à la tête d’une grande

  1. Max Müller, Essais de Mythologie comparée, trad. par G. Perrot, p. 227.