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l’homme et la terre. — internationales

A l’ouest de l’Afrique, les marchands britanniques possèdent aussi de très riches domaines d’exploitation, parmi lesquels les terres populeuses que parcourt le Niger inférieur ; mais de ce côté du continent, c’est à la France qu’est échue la plus vaste étendue du sol. Une grande partie de ce territoire se compose de solitudes désertes, car, ainsi que le disait un ministre anglais : « le coq gaulois aime à gratter le sable ; mais les principales colonies françaises de l’Afrique comprennent plus de la moitié des pays maurétaniens, c’est-à-dire la région qu’on peut appeler l’Europe africaine. C’est une contrée qui, par sa position sur le pourtour du bassin de la Méditerranée, en face de l’Espagne, de la France, de l’Italie, fait géographiquement partie de ce « monde latin », auquel, historiquement, elle appartint aussi au temps de la grande Rome. La Tunisie, l’Algérie, dont la population autochtone est celle des Berbères, très probablement apparentée aux autres aborigènes des bords de la Méditerranée occidentale, n’ont reçu que depuis une époque relativement récente l’élément ethnique étranger des Arabes, mais, actuellement, le flux des immigrants, Italiens, Français, Espagnols, mêlés de quelques autres Européens, implante sur le sol une nouvelle race qui, par ses origines, paraît bien prédisposée à s’enraciner fortement et qui, en effet, malgré les fâcheux pronostics du commencement, s’est parfaitement acclimatée. L’Europe s’est réellement agrandie par l’annexion de l’Afrique mineure, comme elle s’est agrandie à l’autre extrémité du continent noir par le peuplement du Cap et des colonies voisines.

L’Algérie, quoique s’étendant déjà fort loin dans le désert, grâce aux oasis qui le parsèment jusqu’au Touat, se trouve pratiquement séparée des autres possessions françaises situées sur les bords du Sénégal, sur le haut et sur le moyen Niger, sur les rives du lac Tchad ou Tzâdé, sur les rivages du golfe de Guinée, et, à bien plus forte raison, dans les espaces torrides du Ouadaï : des expéditions militaires fort coûteuses et des explorations de hardis voyageurs s’aventurant dans l’inconnu n’ont pu encore rattacher les deux extrémités de cet immense empire africain que par un réseau d’itinéraires aux mailles fort espacées. D’ailleurs, si l’Algérie et la Tunisie sont des colonies de peuplement où les Européens cultivent le sol et fondent des familles, les autres territoires annexés par la France au delà du désert ne sont point des colonies proprement dites, et même, au point de vue utilitaire, sont toujours une cause de dépense pour le budget national : elles ne peuvent rapporter de profit qu’à des négociants