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l’homme et la terre. — peuplement de la terre

chauds n’ont été habités par une population plus dense que les autres contrées ; actuellement la fraction de l’humanité qui vit dans la ceinture équatoriale est bien inférieure à ce que demanderait une répartition uniforme sur le globe. On peut même dire que, depuis deux mille années, il s’est opéré vers le Nord une sorte de mouvement des groupements humains parvenus à former des nations policées. Si l’homme vit de rien dans certaines parties de la zone tropicale, il n’y prospère pas, et l’existence purement végétative ne le conduit pas à développer son intelligence et à se rendre maître de la nature trop clémente qui l’environne. L’homme pullule, au contraire, dans les territoires réclamant de sa part un travail constant, d’où résulte une évolution graduelle de son être. Sauf quelques exceptions, ces « régions de l’effort » sont toutes situées dans la zone tempérée septentrionale.

C’est ainsi que, besoin de travail ou mépris du climat, aucune contrée ne s’est trouvée trop froide pour l’existence de l’homme. Dans la zone où le sol est durci par de longs mois d’hiver, l’habitant primitif trouvait à vivre en s’adonnant à la pêche ou à la chasse ; maintenant, l’humanité a su s’y procurer des provisions en abondance ; par le vêtement, des demeures confortables et le combustible, elle a créé un milieu nouveau, transportant en plein nord le climat du midi : n’ayant pas le soleil, elle en a du moins emmagasiné les forces et les utilise loin des contrées où elles agissent naturellement. On ne s’étonne plus de trouver de puissantes cités comme Pétersbourg à une si grande distance de l’équateur, sous le 60e degré de latitude, bien près de la ligne isothermique indiquant le point de glace pour la moyenne de la température annuelle : plus d’un million de personnes se pressent dans cette ville de fondation à peine séculaire, construite en un sol alternativement boueux et gelé. En Sibérie, nombre de villes situées au nord du zéro isothermique se peuplent rapidement ; des groupes d’habitations permanentes se fondent chaque année dans la direction du pôle. En 1890, c’était vers le 49e degré, sous la même latitude que la France, qu’on aurait trouvé, dans le Canada oriental, les dernières cultures et maisons des blancs ; mais là aussi, comme dans l’ancien monde, le peuplement se continue vers le cercle polaire. Rien n’empêche que la baie de Hudson reçoive un collier de villes sur tout son pourtour et que des postes commerciaux, des sanatoires, des usines et des établissements scientifiques se fondent dans l’archipel de l’Arctide. Le Spitzberg a déjà ses