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l’homme et la terre. — répartition des hommes

sont formées des villes modestes, indiquant l’étape moyenne : Etampes, Amboise, Châtellerault, Ruffec, Libourne. Ainsi le voyageur, traversant la France, trouvait alternativement une ville de simple délassement et une ville de complet réconfort : la première suffisait au piéton, la seconde convenait au cavalier. Sur presque toutes les routes, le rythme des cités se produit de la même manière, cadence naturelle réglée par la marche des hommes, des chevaux et des voitures.

Les irrégularités du réseau des étapes s’expliquent toutes par les traits du relief, le cours des fleuves, les mille contrastes de la géographie. La nature du sol, en premier lieu, détermine les hommes dans leur choix d’un emplacement pour les demeures. Le village ne peut naître que là où naît l’épi ; il s’écarte de la lande ingrate, des amas de graviers, des argiles dures à défoncer, et surgit d’abord spontanément dans le voisinage des terres meubles, faciles à labourer, et non dans les régions basses et humides, d’une fécondité exceptionnelle : l’histoire de l’agriculture montre même que ces alluvions molles éloignent l’homme par leur insalubrité ; elles ne furent mises en culture que par des efforts collectifs, répondant à une période de l’humanité déjà très avancée.

Les terres trop inégales, de même que les sols trop arides, n’attirent pas non plus les populations, empêchent ou retardent la fondation des cités. Les glaciers, les neiges, les vents froids expulsent, pour ainsi dire, les hommes des âpres vallées des montagnes : la tendance naturelle des villes est de se fonder immédiatement en dehors de la région difficile, au premier endroit favorable qui se présente à l’issue même des vallées. Chaque torrent a sa ville riveraine dans la campagne basse, là où son lit, soudainement élargi, se ramifie en une multitude de branches à travers les graviers. Chaque double, triple ou quadruple confluent de vallées fait naître une grande agglomération, d’autant plus considérable, toutes choses égales d’ailleurs, que les lits convergents roulent une eau plus abondante. Est-il position plus naturellement indiquée que celle de Zaragoza, sur le milieu du cours de l’Ebre, au croisement de la double vallée où coulent le Gallayo et le Huerva ? Et la cité de Toulouse, métropole du midi de la France, n’occupe-t-elle pas un lieu que le doigt d’un enfant aurait pu signaler d’avance comme un rendez-vous de peuples, l’endroit où commence la navigation fluviale, au-dessous du confluent de la haute Garonne, de l’Ariège et du Lers ? Aux deux angles occidentaux de la Suisse, Bâle et Genève se sont élevées au carrefour des grandes