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l’homme et la terre. — latins et germains

soixante mille — soit environ un sur dix habitants — dans les limites de la Palestine, et sur ces soixante mille individus, environ la moitié se compose de mendiants et de parasites entretenus par la charité des riches banquiers de l’Occident. La gloire d’Israël ne resplendit point dans la Jerusalem actuelle, cependant le « peuple élu » compte bien rebâtir un jour son temple sur la montagne de Sion. Sur les dix millions de Juifs épars dans le monde, il en est environ deux cent mille, les « Sionistes », qui se sont ligués en une société espérant contre toute espérance que la terre des aïeux leur sera rendue en dépit du sultan, des mahométans et des chrétiens, en dépit même de l’immense majorité de leurs coreligionnaires indifférents ; mais comment la petite Palestine, dont le sol nourrit maigrement aujourd’hui 340 000 habitants, pourra-t-elle recevoir la foule des Juifs revenus de la troisième et si longue captivité ? C’est alors qu’interviendra le miracle pour faire affluer vers Jerusalem, la nouvelle Londres, toutes les richesses du monde entier !

Déjà le pays limitrophe de la Judée, l’Egypte, n’appartient plus, à peine de nom, à un maître musulman. On sait que dans le partage de l’Afrique — presqu’entièrement achevé de nos jours, puisque l’Abyssinie et le Maroc en sont les seuls morceaux non encore répartis —, la Grande Bretagne s’est fort dextrement adjugé les terres du Nil, les plus désirables du monde à la fois par leur merveilleuse fertilité et par leur position au centre même du groupe des anciens continents, sur le passage de l’Europe aux Indes.

On dit même que l’Angleterre considère comme sienne la baie de Bomba, directement au sud de la Crète, et s’est ainsi assuré d’avance la possession de tout le littoral qui s’étend à 1 000 kilomètres à l’ouest d’Alexandrie ; de même que les anciens Ptolémées et autres dominateurs de l’Egypte, elle se laisse facilement aller à considérer la Cyrénaïque comme une dépendance naturelle de la terre du Nil, et dût l’Italie, comme elle le désire, établir ses colonies dans le pays de Barka, l’Angleterre aura pris du moins son gage de contrôle et de surveillance navale. L’intérêt de cet État est évident : l’établissement d’une voie ferrée entre un port de la Cyrénaïque et Suez permettrait de réduire de vingt-quatre heures au moins le trajet de Londres à Bombay par Marseille, Alexandrie et Port-Saïd ; pour un paquebot rapide, la traversée de la Méditerranée, de Brindisi à Bomba, ne prendrait qu’une