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l’affaire dreyfus

teurs et novateurs, mais peut-être en France avec plus d’acharnement qu’ailleurs à cause de la puissance presque égale des éléments en opposition, symbolisés par le contraste géographique du massif central et des plaines, c’est-à-dire du lieu de raréfaction et du foyer d’appel. Pourtant le contraste est double, car si les régions montueuses du centre constituent un monde tout différent des bassins de la
Cl. J. Kuhn, édit.
émile zola (1840-1902)
Seine, de la Saône, de la Garonne, il y a également une opposition nette entre le Nord et le Midi, mais les deux formes d’antagonisme se manifestent diversement. L’individualité provinciale persiste longtemps chez les immigrants de Paris, notamment chez l’Auvergnat, le Marchois, le Savoyard, qui continuent de vivre à part dans la foule, concentrés dans la pensée du gain. On peut dire d’une manière générale que le dépaysé de la province arrive avec un sentiment de respect presque religieux pour la grand’ville, qui représente à ses yeux, et à juste raison, un centre intellectuel très supérieur à son milieu primitif, en même temps que la cité dans laquelle s’est déroulée la grande histoire et où se concentrent d’immenses trésors apportés du monde entier. Mais le « Méridional » proprement dit, le Toulousain, le Marseillais, le Gascon, a d’autres façons de voir : il ne se croit point inférieur au Parisien ; on dirait qu’il a gardé comme un reste de l’orgueil du Romain ou du citoyen de la Provincia lorsque ceux-ci se hasardèrent dans les froides régions marécageuses ou forestières du Nord de la Gaule ;