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l’homme et la terre. — latins et germains

tique menaçante, il a besoin d’une flotte militaire assez nombreuse qui lui permette de montrer son étendard impérial dans tous les ports du monde et de garder en même temps dans les mers voisines de son empire assez de vaisseaux pour répondre à l’importance relative de la flotte commerciale et surtout pour imposer le respect. Tant de millions s’emploient chaque année à l’accroissement de ces forces navales offensives que, d’avance, le prestige de leur irrésistible puissance se fait sentir et que la Grande Bretagne, déjà cuirassée du côté du sud contre les attaques possibles de la France, a dû s’occuper de se défendre aussi sur ses rivages orientaux, ou, suivant le langage militaire, de se créer une nouvelle « ligne de base ». L’estuaire, où l’on voit déjà l’une des œuvres humaines les plus étonnantes, le fameux pont de la Forth, va bientôt se hérisser de fortifications chargées de protéger éventuellement contre la flotte allemande les richesses d’Edimbourg et de Glasgow et cette admirable zone de labeur que constitue la basse Écosse : une puissante barrière occupera l’entrée de l’isthme où les intérêts du commerce général exigeraient le creusement d’un canal de grande navigation sur la ligne transatlantique directe de Hambourg à New-York. Si les îles Britanniques ne se complaisaient pas dans leur isolement, comme elles l’ont aussi montré dans leur refus de sous-franchir le Pas de Calais, elles se fussent appliquées à l’œuvre relativement facile de la coupure écossaise, de même qu’ailleurs s’est faite la coupure égyptienne, et qu’en Allemagne s’est ouverte la porte de Riel entre les deux mers, Scandinave et germanique.

En tous cas, il faut constater que s’il devait jamais se produire un conflit maritime entre les deux puissances, celle qui abandonna l’île Helgoland en échange de Zanzibar et celle qui en prit possession, l’Allemagne aurait certainement de très grands avantages géographiques. S’avançant très au loin dans les mers boréales, l’île anglo-bretonne est attaquable sur nombre de points et serait obligée de disperser ses forces, même dans les eaux occidentales ; l’Allemagne, au contraire, ne peut être abordée sur aucun point : sa côte basse de la mer du Nord est partout défendue par des bancs de sable ou cuirassée de fortifications. Grâce au « tirant d’eau » des navires de guerre de nos jours, les côtes allemandes de la Baltique sont aussi peu accessibles aux flottes ennemies et sont encore protégées par leur éloignement des bases d’opération anglaise et française et par le passage forcé en vue de