Page:Reclus - L'Homme et la Terre, tome V, Librairie universelle, 1905.djvu/97

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
92
l’homme et la terre. — contre-révolution

possibles ; tout au plus de vagues échos apportaient les nouvelles, plus ou moins déformées, des événements accomplis. Les soulèvements se produisirent à des milliers de kilomètres d’éloignement respectif, et l’on s’étonne même que la solidarité des intérêts entre les défenseurs de l’indépendance commune ait pu triompher de tant d’obstacles matériels pour amener peu à peu une certaine unité d’efforts entre des populations groupées autour de centres si distants les uns des autres.

Cette localisation forcée des premières tentatives d’indépendance permet à plusieurs villes de revendiquer l’honneur d’avoir été les initiatrices de la liberté, suivant l’importance qu’elles attribuent à tel ou tel mouvement prémonitoire. Dès l’année 1809, Quito s’était prononcée au nom de « Ferdinand VII et de la sainte Eglise » ; mais cette révolution locale, due à quelques avocats créoles, se fit sans que la nation écuadorienne y prît la moindre part et sans que les vibrations se propageassent au delà des frontières. A Mexico, à Caracas, à Buenos-Aires, les soulèvements eurent une portée plus considérable et furent les points de départ des luttes nationales qui durèrent pendant plus d’une dizaine d’années pour aboutir enfin à la défaite définitive de l’ancienne métropole.

En 1808 déjà, des troubles ayant éclaté dans la ville de Mexico, le vice-roi Iturigaray avait été emprisonné, mais la révolution proprement dite n’éclata que deux années plus tard, dans le village de Dolorès, au nord de la capitale, sous la direction du curé Hidalgo, « au nom de la sainte Religion et du bon roi Ferdinand VII ». La lutte, très meurtrière, se continua moins entre des partis nationaux qu’entre des sectes religieuses, adoratrices, l’une de Notre-Dame de Montserrat : c’étaient les Espagnols, l’autre de Notre-Dame de Guadalupe : c’étaient les Indiens de l’Anahuac. Grâce à des révolutionnaires généreux qui vinrent de la Péninsule même pour donner aux révoltés de l’Anahuac un sens plus élevé de la guerre qui avait déjà coûté tant de victimes, l’indépendance de la « Nouvelle Espagne », connue désormais sous son nom de Mexique, fut enfin proclamée, et les Gachupines, dénomination haineuse sous laquelle on embrassait tous les Espagnols, durent quitter le Nouveau Monde. Mais que de fois la république mexicaine ressembla-t-elle à un empire absolu, à un héritage de Montezuma !

Quant aux populations de l’Amérique Centrale, divisées actuellement en cinq républiques distinctes, elles ne prirent à la lutte contre l’Espagne