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parure des primitifs

à la fatigue que les autres : la musique du cuivre qui résonne les aide au travail autant que la fierté d’avoir été choisis par l’homme comme conducteurs de troupeaux ou d’attelages ; l’âne qui tintinnabule
Cliché du Globus.
malais de l’île pagaï et ses ornements festifs
au-devant des chevaux est, lui aussi, quelque peu un Tyrtée. Ainsi l’on constate partout l’influence heureuse de ce pouls du travail donné par la mesure, les sons alternants et la musique. Et, par les voies inconscientes de la vie, cette cadence est déterminée sans doute par un autre pouls, le rythme artériel, le battement du cœur qui met en activité l’organisme comme le va-et-vient du piston dans la machine à vapeur.

Le primitif appliquait aussi l’art à sa propre personne. Il existe des peuplades qui ne portent point de vêtements, mais on n’en a jamais rencontré qui n’aient pas souci d’orner leur corps : si l’humanité comprit çà et là des êtres isolés qui n’aient point cherché à s’embellir, c’est évidemment parmi les maudits et les désespérés. Mais dans la vie habituelle, autrefois comme aujourd’hui, l’homme essaya toujours de plaire ou du moins de se complaire.

Il ne possède pas en son propre organisme des ressources semblables à celles de l’animal, oiseau, reptile ou quadrupède, qui se fait beau par des plumes ou des couleurs brillantes pendant la période de l’amour. Les regards joyeux, le charme du sourire, l’air de force et de santé ne lui suffisent pas : il lui faut encore des parures, des ornements extérieurs ; certainement, les primitifs ont un souci au moins aussi grand de l’embellissement de leur personne que les fats de la société civilisée ;