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l’homme et la terre. — iranie

d’avoir régularisé les fleuves et les coulées, d’avoir transformé les brousses en vergers et en champs, d’avoir créé un foyer de progrès en un lieu chaotique, meurtrier pour l’homme. Peut-être est-ce à cet état de choses que fait allusion l’antique légende chaldéenne, appropriée depuis par les Hébreux : « Tout était informe et vide » ! Mais l’agent ordonnateur fut l’émigrant descendu de la montagne.

La partie occidentale du plateau d’Iranie, celle qui, dans le langage moderne, a pris le nom de Perse, est de forme plus régulière et plus « une » que la partie orientale : son histoire devait en conséquence se dérouler d’une manière plus égale et plus majestueuse. Aux époques primitives, lorsque les peuplades constituées en des milieux géographiques voisins gardaient leur existence indépendante, quelques parties du territoire iranien échappaient à cette unité historique. Mais, à ne considérer que le plateau proprement dit, on constate que, dans son ensemble, il est admirablement disposé pour former un ensemble politique très solide. Au nord-ouest, plusieurs massifs montagneux surveillent, comme autant de citadelles, les défilés, les cols et les hautes vallées par lesquels auraient pu se glisser les envahisseurs venus des régions caucasiennes. Sur toute la longueur du front occidental s’alignent, en un large rebord, les plissements des monts qui dominent les plaines de la Mésopotamie. D’autres chaînes bordières, partant de l’angle sud-oriental de la Caspienne, limitent la Perse au nord-est et la séparent des sables et des terres alluviales qu’arrose l’Oxus en un étroit, ruban de cultures. Du côté de l’est, de vastes solitudes, inhabitables dans une grande partie de leur étendue, séparent le triangle occidental de la Perse et le labyrinthe des vallées orientales que peuplent les Afghans.

Enfin, deux mers baignent les racines du plateau : au nord, le bassin profond de la Caspienne qui se prolonge vers les froidures boréales jusqu’en des espaces si lointains que jadis ils pouvaient paraître infinis ; au sud, le golfe en demi-cercle qui va rejoindre l’océan des Indes aux rivages longtemps inconnus. Très puissantes pour l’attaque, les populations qui occupaient les hautes terres de l’Iran et qui en gardaient les portes du côté de l’Euphrate avaient d’autre part l’immense avantage d’être presque inabordables sur une grande partie de leur mur d’enceinte : partout des obstacles, des parois inaccessibles, des sables brû-