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l’homme et la terre. — iranie

tous les deux servis par d’innombrables armées de génies. L’un de ces dieux est Ahura Mazda ou Ormuzd, c’est-à-dire le Seigneur très sage, le Mazda par excellence ; l’autre est Angro-Maïnu, Ahriman, c’est-à-dire l’Esprit de Compression, d’Asservissement, le Méchant. C’est entre les deux que se débat incessamment le sort du monde : nous ne sommes tous qu’un enjeu entre ces prodigieux lutteurs. Cependant l’homme n’a point à s’abandonner complètement dans ce conflit que les divinités d’en haut se livrent au-dessus de sa tête : s’il porte constamment sa force du
D’après une photographie de J. de Morgan
(Mission archéologique en Perse)
la colline des ruines du palais d’ecbatane
côté du bien, c’est lui qui, après sept mille siècles d’attente, fera triompher Ormuzd, et de la manière la plus noble, par la conversion d’Ahriman, devenu lui aussi un dieu de justice et d’amour universel.

Telle fut la religion, très haute par certains côtés, que les Perses enseignèrent aux nations des plaines environnantes, dès l’époque des Akhéménides[1], mais qui se dénatura bientôt par suite de croisements avec les divers cultes locaux et de la transformation que lui firent subir ses prêtres intéressés au profit et avides de pouvoir. Le foyer principal de la religion mazdéenne fut toujours l’Atropatène, « le Pays du grand prêtre », où résidait ce puissant chef des mages respecté comme un égal par les souverains de l’Iran. Ces pontifes nous ont légué toute une série de belles monnaies d’argent représentant le grand prêtre adorant le Feu avec son étendard légendaire de Kaouch, le forgeron. Prétendant interpréter la volonté suprême, ils exercèrent sans doute une profonde influence, mais le culte domestique, qui faisait du chef de famille le véritable prêtre, se maintint au moins jusqu’à l’époque des Sassanides[2], au troisième siècle de l’ère chrétienne.

  1. De Gobineau, Histoire des Perses, passim.
  2. Id., tome I. p. 106.