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l’homme et la terre. — iranie

d’échange. Cette évolution s’était accomplie d’abord par l’intermédiaire des peuples de l’Asie Mineure, les uns apparentés aux Grecs, les autres plus, ou moins grécisés ; puis des aventuriers de l’Attique et des îles du Péloponèse, ancêtres des chercheurs de fortune qui émigrent aujourd’hui en si grand nombre, étaient venus à leur tour, enseignant leurs arts et leurs métiers.

On voit une preuve incontestable de l’influence grecque dans les ruines de Persepolis qui portent le nom collectif de « trône de Djemchid », personnage légendaire assimilé par les Perses à Darius, fils d’Hystaspès. Il est évident que ces prodigieuses constructions, érigées à l’époque où les Akhéménides vainqueurs déversaient leurs armées victorieuses sur toutes les contrées adjacentes, sont en très grande partie des œuvres d’imitation. Les souverains de la Perse, étonnés par les gigantesques bâtisses qu’ils avaient assiégées et conquises dans leurs voyages, avaient voulu dresser dans leur pays des palais aussi beaux que ceux de l’étranger. Très certainement ils avaient ramené avec eux d’habiles artisans de l’Egypte, de la Phénicie, de l’Asie antérieure, de l’Europe hellénique. Des lettres grecques se voient sur les pierres numérotées, et Pline parle d’un certain Téléphane, de Phocée, comme d’un grand artiste ayant vécu à la cour de Darius.

Les historiens spécialistes[1] ont pris la tâche de déterminer la part des divers éléments qui s’unirent dans la grandiose architecture de Persepolis ; et grâce à eux, on a fini par reconnaître que les bâtisseurs persans ne furent pas uniquement des imitateurs : ils donnèrent à leurs œuvres un caractère particulier, correspondant à leur génie propre, aux matériaux qu’ils employaient et aux conditions spéciales dans lesquelles s’accomplissait leur travail. Ce qui est bien à eux, ce sont les superbes terrasses et les merveilleux escaliers qui permettaient aux processions solennelles, piétons, cavaliers et chars, de se développer, avec une ampleur extraordinaire ; ce sont aussi les colonnes dix ou douze fois plus hautes que larges, avec leurs lourds chapiteaux composés de deux avant-trains d’animaux accroupis, taureaux, chèvres ou licornes. La lumière du soleil, coupée d’ombres noires, pénétrait par le large ori-

  1. Coste et Flandin, Perrot et Chipiez, Dieulafoy.