Page:Reclus - L’Homme et la Terre, tome 1, Librairie Universelle, 1905.djvu/532

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
510
l’homme et la terre. — potamie

terre battue, pilée, séchée au soleil : des roseaux, du bitume, du pisé, comme dans le Lyonnais, des adobes ou « toubes », comme dans le Nouveau Mexique et dans l’Algérie méridionale, tels étaient les matériaux indiqués ; l’homme avait à élever sa maison au moyen de l’argile qu’il retirait de sous ses pieds. Pareil genre de bâtisse, fort peu solide, ne tarde pas à se tasser, à se transformer en butte de terre herbeuse dès que l’on cesse de l’entretenir en bon état ; mais cet édicule d’argile n’en est pas moins le type initial de nos maisons modernes, pour lesquelles on a successivement ou en même temps, suivant les lieux et les matériaux disponibles, les modes, les styles d’architecture, employé les bois, les pierres artificielles ou naturelles, les cailloux roulés par le torrent, les marbres, les porphyres taillés et le fer.

Le Pays des Fleuves, très avancé en industrie métallurgique, fabriquait des objets de cuivre, de bronze, de fer et d’or dès les temps préhistoriques : dans les plus vieilles sépultures de Warka et de Mugheïr, à Suse, on trouve ces métaux travaillés à côté d’outils et d’armes de pierre ; l’argent seul fait défaut[1]. Le fer était d’un usage très répandu, surtout en Assyrie, grâce évidemment au voisinage des régions minières du Zagros, du Taurus et des montagnes du Pont où travaillaient les mineurs chalybes. Nulle part, ni en Chaldée, ni en Égypte, on n’a rien trouvé de comparable à l’amas d’instruments que Place a découvert dans un magasin du palais de Khorsabad : tous ces outils, grappins, crochets, chaînes, marteaux, pics, pioches, socs de charrue, faucilles, cercles de roues, en métal excellent, formaient comme un mur de fer, que l’on mit trois jours à dégager par le percement d’une tranchée. Le poids de ces instruments fut évalué à plus de 160 tonnes.

La principale évolution dans l’art de construire eut lieu en Babylonie même, lors du passage de la brique crue à la brique cuite. Pareille découverte a dû être faite mille fois avant d’être utilisée. Le feu domestique allumé sur des adobes et vivement poussé par suite de quelque accident, ou même d’un incendie, suffit maintes fois pour transformer les carreaux d’argile pulvérulente en véritables pierres, plus dures et plus solides que les fragments de rochers détachés des mon-

  1. Alfred Ditte, Revue Scientifique, 25 nov. 1899.