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froidure et neige

parents se laissent mourir de faim afin que les enfants aient à manger. Des mères, se dévouant pour la grande famille, ont livré leurs nourrissons !

le gibier des mers polaires : phoques prenant leurs ebats

Il y a quelques années, la découverte de gisements d’or dans le Klondyke, sur les bords du Yukon et sur le cap Nome, a changé toute l’économie politique des populations innuit, chargées désormais de fournir aux mineurs blancs des poissons, de l’huile et du lard. Les Tchuktchi du littoral notamment sont devenus riches[1] et peuvent très bien entretenir leurs parents, mais naguère, des vieillards, incapables de suivre les hommes faits dans leurs chasses et menacés de périr d’inanition dans les campements isolés, demandaient volontiers la fin ; or, dans ce cas, les enfants et les amis les plus chers étaient tenus par la coutume, aussi bien que par leur affection, d’accomplir ce devoir du meurtre. C’était à eux de donner au père ou au compagnon le narcotique stupéfiant, puis de lui couper la carotide et de l’étendre sur son lit de mousse. A Point-Barrow, il faut continuer la terrible cérémonie en livrant aux chiens la chair du vieillard, et ces chiens, à leur tour, sont dévorés par la communauté, afin que l’âme de l’être qui n’est plus échappe aux esprits mauvais et profite aux vivants.

  1. Eberli, Petermann’s Mitteilungen, XI, 1903, p. 258.