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sécheresse et humidité

étaient recouvertes par la nappe grise des eaux débordées. Unissant vers leurs extrémités les hampes de cinq ou six palmiers euterpe, ils établissaient, au-dessous de ce multiple toit de feuilles, un plancher léger pour soutenir leur demeure aérienne, dominant de plusieurs mètres l’étendue de la nappe liquide[1].


type de denka

Ce mode d’habitation n’a pas subsisté jusqu’à nos jours[2]. En relations constantes avec les Européens d’origine castillane à l’ouest, de langue anglaise à l’est, les Uaraun possèdent maintenant de solides embarcations qui leur servent de maisonnettes dès que la cabane ordinaire est envahie par le fleuve ; quand les eaux se gonflent et débordent, ils n’ont qu’à monter dans leurs bateaux pour les laisser dériver jusqu’au lieu d’ancrage. Le genre de vie s’est également modifié quant à l’industrie et à la nourriture, qui était presque exclusivement limitées aux produits d’un seul arbre, le palmier mauricia. Mais quoique à demi policés, les Uaraun n’en sont pas moins tenus par leur milieu à procéder autrement que les gens de la terre ferme dans les mille circonstances de la vie.

C’est ainsi que pour faire des chemins, ils ne se bornent pas, comme leurs voisins des pays émergés, à ouvrir une percée dans la forêt : après avoir abattu les arbres, ils les rangent transversalement sur la voie et les attachent par des cordages en fibres de palmier. Lors de la crue, le chemin tout entier se soulève d’un bout à l’autre sans se disloquer, et se change en radeau ; il monte, puis redescend avec la décrue et s’échoue de nouveau. Quant à leurs morts, les Uaraun, répugnant à les enfouir dans la boue, les enveloppent d’une épaisse

  1. Voyage aux Régions équinoxiales.
  2. Plassard, Bulletin de la Société de géographie de Paris, juin 1868.