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l’homme et la terre. — îles et rivages helléniques

l’heureuse disposition des ports et l’excellence du climat, toujours égal et doux, occupe un emplacement maritime tout à fait exceptionnel qui devait lui assurer un rôle commercial de premier ordre. Située à proximité de la côte de Carie et jouissant ainsi des avantages d’une péninsule en même temps que de ceux d’une île, c’est-à-dire ajoutant aux facilités du commercé avec un vaste territoire le privilège de l’isolement défensif, Rhodes se trouve placée exactement à l’angle sud-occidental de toute l’Asie Mineure, entre la mer de Cypre et la mer Egée et sur l’alignement de Carpathos et de la Crète. Point de convergence nécessaire pour les routes de commerce dans la Méditerranée orientale, elle nous apparaît, dès les origines de l’histoire, comme un lieu de rendez-vous pour des colons de provenances très diverses. Il y vint des Cariens de la côte voisine, ainsi que des Crétois, des Thessaliens et même des Egyptiens. L’influence phénicienne y fut longtemps prépondérante, puis les Doriens y abordèrent, et trois villes insulaires, Lindos, Camiros et Ialysos, constituées en république distincte, s’unirent en « hexapole » avec trois autres cités doriennes du continent, Cos, Cnide et Halicarnasse. Au mouvement d’immigration succéda un flot en sens inverse : grâce à la pratique d’un commerce très étendu, des groupes de colons rhodiens devinrent les fondateurs de nombreuses villes lointaines. Ils eurent des comptoirs dans la terre ferme voisine, en Sicile et dans la péninsule italique. La puissante Sybaris fut créée par eux, et Parthénope, maintenant Naples, reçut de Rhodes son premier essaim de civilisateurs grecs. D’autres Rhodiens s’établirent aux îles Baléares et, jusque sur les côtes d’Espagne, un golfe de Rosas et les fiers promontoires de Rota rappellent la venue des insulaires du littoral asiatique.

Lors de la grande extension du monde hellénique, coïncidant avec la division de l’empire d’Alexandre en plusieurs royaumes grecs, Rhodes, si bien placée au tournant des mers, devint le centre principal du commerce et, grâce à son enrichissement, une puissance politique de grande importance avec des possessions nombreuses sur la terre ferme et dans les îles. Pendant deux siècles au moins, Rhodes disposa d’une si grande influence que ses lois maritimes furent acceptées par tous les peuples navigateurs comme le code universel : même après la conquête, les Romains durent y accommoder leurs propres règlements ; en droit romain, toute loi relative au commerce