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Introduction


Les amis d’ODILON REDON n’oublieront jamais son joyeux accueil lorsqu’ils venaient le surprendre au milieu de son travail. Sans quitter les gants de fil blanc avec lesquels il avait tenu le pinceau et la palette, il venait s’asseoir et son esprit s’épanouissait dans une conversation à la fois mesurée et enthousiaste. Il mettait dans ses propos une douceur, une discrétion qui invitait l’interlocuteur à développer librement sa pensée et il l’écoutait attentivement, avec une bienveillance inlassable, avec, pour tout dire, une affection où se dépensait la richesse juvénile de son cœur. C’est pourquoi les jeunes artistes qui ont eu le bonheur de le connaître trouvaient ses conseils si précieux. Ils ne pouvaient pas croire qu’Odilon Redon avait l’âge d’un vieillard : la jeunesse de son regard, la vivacité de son esprit, une certaine flamme communicative qui créait autour de lui une chaude et ardente lumière, son rire enfin, le rire de l’homme heureux de son travail et qui se repose satisfait, tout donnait l’illusion que le nombre de ses années, au lieu de peser sur lui, l’enrichissait encore.

Il avait été longtemps méconnu. Ses fusains, ses gravures, ses lithographies, tout ce qu’il appelait avec amour ses noirs ne fut apprécié que tardivement. Les difficultés du début de sa carrière l’avaient amené à chercher sa voie, lorsqu’il eut renoncé à accepter la contrainte des enseignements officiels. Autant pour s’éclairer sur soi-même que pour juger avec plus de précision les œuvres de ses contemporains, il fit de la critique d’art et collabora en 1868 et 1869