Page:Redon - À soi-même, 1922.djvu/36

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musique, plus librement, radieusement ; mais il est aussi le mien par une combinaison de divers éléments rapprochés, de formes transposées ou transformées, sans aucun rapport avec les contingences, mais ayant une logique cependant. Toutes les erreurs de la critique commises à mon égard, à mes débuts, furent qu’elle ne vit pas qu’il ne fallait rien définir, rien comprendre, rien limiter, rien préciser, parce que tout ce qui est sincèrement et docilement nouveau — comme le beau d’ailleurs — porte sa signification en soi-même.

La désignation par un titre mis à mes dessins est quelquefois de trop, pour ainsi dire. Le titre n’y est justifié que lorsqu’il est vague, indéterminé, et visant même confusément à l’équivoque. Mes dessins inspirent et ne se définissent pas. Ils ne déterminent rien. Ils nous placent, ainsi que la musique, dans le monde ambigu de l’indéterminé.

Ils sont une sorte de métaphore, a dit Remy de Gourmont, en les situant à part, loin de tout art géométrique. Il y voit une logique imaginative. Je crois que cet écrivain a dit en quelques lignes plus que tout ce qui fut écrit autrefois sur mes premiers travaux.

Imaginez des arabesques ou méandres variés, se déroulant, non sur un plan, mais dans l’espace, avec tout ce que fourniront pour l’esprit les marges profondes et indéterminées du ciel ; imaginez le jeu de leurs lignes projetées et combinées avec les éléments les plus divers, y compris celui d’un visage humain ; si ce visage a les particularités de celui que nous apercevons quotidiennement dans la rue, avec sa vérité fortuite immédiate toute réelle, vous aurez, là, la combinaison ordinaire de beaucoup de mes dessins.

Ils sont donc, sans autre explication qui ne se peut guère plus précise, la répercussion d’une expression humaine, placée, par fantaisie permise, dans un jeu d’arabesque, où, je crois bien, l’action qui en dérivera dans l’esprit du spectateur l’incitera à