Page:Redon - À soi-même, 1922.djvu/38

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autant que possible, la logique du visible au service de l’invisible.

Ce dessin-là découle naturellement et facilement de la vision du monde mystérieux des ombres, à qui Rembrandt, en nous le révélant, donna le verbe.

Mais, d’autre part, mon régime le plus fécond, le plus nécessaire à mon expansion a été, je l’ai dit souvent, de copier directement le réel en reproduisant attentivement des objets de la nature extérieure en ce qu’elle a de plus menu, de plus particulier et accidentel. Après un effort pour copier minutieusement un caillou, un brin d’herbe, une main, un profil ou toute autre chose de la vie vivante ou inorganique, je sens une ébullition mentale venir ; j’ai alors besoin de créer, de me laisser aller à la représentation de l’imaginaire. La nature, ainsi dosée et infusée, devient ma source, ma levure, mon ferment. De cette origine je crois mes inventions vraies. Je le crois de mes dessins ; et il est probable que, même avec la grande part de faiblesse, d’inégalité et d’imperfection propre à tout ce que l’homme recrée, on n’en supporterait pas un instant la vue (parce qu’ils sont humainement expressifs) s’ils n’étaient, ainsi que je le dis, formés, constitués et bâtis selon la loi de vie et de transmission morale nécessaire à tout ce qui est.