Page:Redon - À soi-même, 1922.djvu/44

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incertitude, mettez une certitude », m’a dit Corot. Et il me fit voir des études à la plume, où les feuilles, par abondantes touffes, y étaient visibles, dessinées et comme gravées. « Allez tous les ans peindre au même endroit ; copiez le même arbre », m’a-t-il dit encore.



1869, Paris, 12 Avril. — La nature, dans une loi admirable, veut que nous profitions de tout, même de nos erreurs et de nos vices ; c’est une vie incessante, un labeur continu dont la sève est intarissable. Un seul regard sur nous prouve la vie et nous montre le pas accompli. Qu’est-ce donc enfin que le retour d’un vieillard sur lui-même et toute la foi qu’il en retire ?

Il y en a qui demandent ce que veut dire le mot spiritualisme. Ce sont ceux qui n’écoutent que leurs instincts et qui prennent pour de la folie les suprêmes révélations de la poésie. L’idéal est une chimère ; l’éclat de la vérité, les certitudes de la conscience ont pour unique cause la nature de notre éducation première et le milieu où nous avons vécu.

Le mot spiritualisme sera toujours compris comme exprimant l’opposé du mot matérialisme. Le définir est impossible.

Le beau et le bien sont au ciel. La science est sur la terre ; elle rampe.

L’espérance matérielle d’avenir immédiat donne dans l’action une grande énergie. Agir contre toute espérance est agir par vertu.

Le Code remplacera l’Evangile lorsqu’il sera l’expression sincère de la conscience universelle.

Lorsque la société mue par le bien apportera dans la loi l’esprit de moralité et de bien qui préside à l’effort individuel, ce jour sera le règne définitif de la liberté et de l’obéissance au verbe divin.

Au commencement, l’idéal touchait plus particulièrement